Les huiles essentielles en cosmétique

Les huiles essentielles en cosmétique, quel statut ?

La question du statut des huiles essentielles est ancienne et récurrente, mais elle revient aujourd’hui avec une fréquence qui s’accroit avec la montée en naturalité des cosmétiques.

La question est pertinente et la réponse a priori complexe en raison de la multiplicité des utilisations des huiles essentielles. En dehors de la cosmétique, elles entrent en effet dans les produits alimentaires, les produits d’ambiance, les produits d’entretien, les produits biocides et bien-sûr les produits de santé. L’emploi des huiles essentielles pour la santé reste primordial, des médecines populaires traditionnelles à l’aromathérapie contemporaine, en passant par la classique pharmacie.

Tous ces métiers ont leur propre vision des huiles essentielles, dont nous avons tenté de faire une synthèse en 2011. La  seule juxtaposition  des points de vue techniques et/ou utilitaires ne nous avait pas ouvert la perspective d’un statut cohérent des huiles essentielles en France. Nous avions alors demandé un avis juridique, parfaitement neutre, à Stéphanie BRUNENGO-BASSO, avocate spécialisée en cosmétique et environnement, le voici :

Quel cadre juridique pour les huiles essentielles

Sept ans plus tard, après sept années de réflexion et de pratique, en Europe et ailleurs, notamment en Suisse et au Canada, qu’en est il des huiles essentielles en cosmétique ?

1 – D’abord, les huiles essentielles ne sont pas des cosmétiques, elles ne répondent pas à l’article 2 du règlement européen  n° 1223/2009 qui définit le produit cosmétique. Sauf rarissimes exceptions, elles ne sont pas destinées à être mises en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaires, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles.

2 – L’application d’huiles essentielles pures sur les parties superficielles du corps humain reste possible, mais uniquement sous l’autorité et la surveillance d’un praticien de santé (médecin, aromathérapeute, heilpratiker … ). L’application sera toujours très localisée, souvent ponctuelle et sur une courte période. Bref, cet usage n’a rien de cosmétique.

3 – En revanche, les huiles essentielles sont devenues des substances précieuses dont la cosmétique ne saurait se passer. Comme aucun règlement européen spécifique n’est venu statuer sur leur usage en cosmétique, les huiles essentielles relèvent du règlement général de la chimie, n° 1272/2008. Ce règlement dit “CLP”, avec ses pictogrammes inquiétants et ses codes mystérieux pour le profane, est bien peu glamour, il parait même incongru dans notre univers idyllique de bien-être et de beauté. Le règlement “CLP” a le mérite de nous rappeler que les huiles essentielles sont des produits chimiques comme les autres, à considérer sans préjugés. Si leur origine végétale et leur production respectueuse ne sont pas des gages d’innocuité, il n’y a pas non plus de raisons de les diaboliser.

4 – En conséquence, le développement des cosmétiques avec des huiles essentielles, comme celui des autres, ne peut être envisagé sereinement qu’avec la collaboration d’un toxicologue, qui saura éviter par anticipation les risques encourus. Les huiles essentielles ne constituant pas une classe de risque homogène, elles sont même extrêmement diverses, le cas par cas s’impose tout naturellement comme règle. C’est pourquoi il est à la fois imprudent et pénalisant de prendre en considération les “conseils” qui circulent de bouche à oreille ou fleurissent dans les blogs, comme par exemple : “2 (ou 5 %)  maximum, en évitant les enfants de plus de 3 (ou 6 ans) et les femmes enceintes ou allaitantes”.

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En conclusion, depuis l’entrée en vigueur des deux règlements européens n°1272/2008 et n°1223/2009, il n’y a plus lieu aujourd’hui de se poser la question du statut des huiles essentielles en cosmétique. Leur usage est parfaitement encadré, en amont par le règlement n°1272/2008, et en aval par l’évaluation de la sécurité des cosmétiques prévue à l’article 10 du règlement n°1223/2009.

Merci l’Europe.